Un naufrage
récit publié dans Charles, n° 9, en mars 2014 extrait (...) La Quatrième République avait ressemblé à un théâtre où les acteurs passaient d’un rôle à l’autre et pouvaient chacun à son tour se retrouver en tête d’affiche, si l’on jugeait qu’ils avaient convenablement fait leurs classes et s’ils ne s’étaient pas violemment aliéné les autres sociétaires, mais où les représentations étaient presque tous les soirs menacées de chuter sous le coup de cabales diverses. La troupe avait à ses débuts reçu le renfort de quelques vieilles gloires de la génération précédente, Herriot, Blum, Daladier ; elle avait ses vedettes, Pinay, Queuille, Edgar Faure, hommes de bon sens ou d’esprit dans lesquels le régime se plaisait à contempler son image, si bien qu’ils furent plusieurs fois présidents du Conseil ; elle avait son grand homme intègre, Pierre Mendès France, éternelle victime de la faiblesse des institutions et des manœuvres humaines en général ; elle avait son mal-aimé, Guy Mollet, l’homme de gauche qui menait une politique de droite et dont la mémoire est restée honteuse, ou honnie, au Parti socialiste ; et elle avait ses jeunes premiers, Chaban-Delmas, Bourgès-Maunoury, Mitterrand, Félix Gaillard. (...) |