Aphorismes
Karl Kraus sélection et traduction d'aphorismes, choisis parmi les trois grands recueils de Karl Kraus, Sprüche und Widersprüche, Pro domo et mundo, Nachts éditions Sillage, février 2016 extraits Il faut lire tous les écrivains deux fois, les bons comme les mauvais. C'est ainsi que l'on reconnaît les premiers et que l'on démasque les seconds. * Il y a une originalité par défaut qui n'est pas capable de se hausser jusqu'à la banalité. * Il faut toujours écrire comme si l'on écrivait pour la première et pour la dernière fois. Dire autant de choses que si l'on faisait ses adieux, les dire aussi bien que si l'on faisait ses débuts. * Le philistin s'ennuie et cherche les choses qui ne l'ennuieront pas. Les choses ennuient l'artiste, mais il ne s'ennuie pas. * L'esthète se comporte avec la beauté comme le pornographe avec l'amour et le politicien avec la vie. * Est artiste celui qui sait faire d'une solution une énigme. * Les expériences sont des économies mises de côté par un grippe-sou. La sagesse est un héritage dont aucun fils prodigue ne peut venir à bout. * La vérité est un domestique maladroit qui casse les assiettes en faisant la vaisselle. * Ce qui nous tourmente, ce sont les possibilités perdues. La certitude d'une impossibilité n'est pas une mauvaise chose. * La vie est un effort qui mériterait une meilleure cause. * Les journalistes sont stimulés par les délais. Ils écrivent plus mal quand ils ont du temps. * Comment gouverne-t-on le monde et comment le mène-t-on à la guerre? Les diplomates racontent aux journalistes des mensonges auxquels ils croient quand ils les lisent ensuite dans les journaux. * Ce que l'on entreprend au profit de l'Etat se termine souvent au détriment du monde. * La civilisation touche à sa fin quand les barbares s'en échappent. * Les Français ne se sont pas autant éloignés de leur superficialité que les Allemands de leur profondeur. |